La Taxonomie du discus
par Marc Weiss et A.I Mazeroll, extrait de "The Cichlid Companion Room",
Dans un article publié en 1991 dans "Tropical Fish Hobbyist", le Dr Warren Burgess posait deux questions sur la taxonomie et la systématique du Discus.
* La collecte de Symphysodon Discus Heckel en dehors du Rio Negro mettait-elle en évidence une répartition historique plus large de cette espèce?
* Symphysodon Discus Willischwartzi pouvait-il n’être qu'un hybride naturel des deux espèces S.Discus et S.Aequafasciata Pellegrin?
Nous possédons des Discus sauvages qui ont le patron de coloration du Discus bleu ou brun (red) S.Aequifasciata mais également la cinquième barre verticale accentuée caractérisant le Discus dit "Heckel". Que dire alors de la taxonomie du Discus? Que ce sont des hybrides naturels des deux espèces ou représentent-ils une nouvelle espèce ou « sous-espèce"?
Dans cet article, nous voulons creuser ces questions et décrire les méthodes à mettre en œuvre pour y répondre.
Quel est l'état actuel de la classification des Discus?
Deux espèces de Symphysodon sont décrites avec une taxonomie presque exclusivement fondée sur le patron de coloration et la répartition géographique!!!
* S.Discus a 9 barres verticales sur le corps avec les 1°,5° et 9° prédominantes, la cinquième étant la plus large. Les autres barres sont atténuées et par moment complètement absentes. Cette espèce est localisée principalement dans le bassin du Rio Negro.
* S.Aequafasciata, lui ,est rencontré principalement dans la partie ouest du bassin de l'Amazone. Les caractéristiques méristiques (nombre d'écailles, nombre de rayons des nageoires, nombre de vertèbres) tendent à se confondre, quelques écarts sont relevés que nous examinerons plus loin.
Avec seulement deux espèces, la taxonomie paraît simple et limpide!!! Hélas rien n'est plus éloigné de la vérité!!! La première raison en est que la répartition complète et exacte ainsi que la description des sous-espèces nous sont inconnues. Dans certains cas les quelques localisations publiées sont erronées…Si vous avez déniché un beau Discus sauvage n'étes vous pas curieux de savoir exactement d'ou il provient? Malheureusement aujourd'hui il est difficile d’être précis à ce sujet. Rien ne ressemble plus à un affluent de l'Amazone …qu'un autre affluent. Pointer exactement sur la carte où se trouve telle ou telle variété relève de l'impossible. C'est une des pièces du puzzle à assembler pour éclairer la taxonomie du Discus, et les informations sont difficiles à collecter, cela prend du temps, beaucoup de temps.
Mais après tout qu'est -ce qu'une espèce?.
C'est une question qui préoccupe les chercheurs depuis Linné. Autant de personnes interrogées …autant de réponses".
La science a envisagé cinq concepts d'espèces…
Le concept typologique d'espèce qui pose comme principe que l'espèce est une entité qui diffère de toutes les autres…et que l'espèce considérée est stable dans le temps. Dès la description d'une espèce la confusion peut s'installer. Que dire de 2 variétés colorées d'une même espèce? Que l'on va nommer différemment ces deux formes de la même espèce?
Peu satisfaisant!!
Le concept d'espèce morphologique affine et quantifie le facteur différence en caractérisant l'espèce par des grandeurs mesurées (nombre d'écailles, nombre de vertèbres…) qui diffèrent nettement des autres …oui, mais de quel facteur affecter les écarts pour décider que deux individus sont d'espèces différentes? Combien de paramètres faire intervenir dans la décision…de manière pragmatique plus l'on constate de différences plus les arguments sont nombreux pour décider de deux espèces distinctes…Que dire de deux paramètres divergents, cas des Discus? Est ce suffisant pour décrire deux espèces distinctes?
Pendant longtemps le concept standard d'espèce fut le concept biologique qui exprime le principe qu'une espèce est un groupe interfécond de populations qui se reproduisent isolément. Cela s'applique correctement aux espèces à reproduction sexuée mais que dire des groupes se multipliant par parthénogenèse? Comment les intégrer dans ce modèle d'espèce…Chaque individu pourrait être considéré comme une espèce!!!
Autre question quel seuil de fertilité retenir entre hybrides?…Des espèces proches peuvent être interfécondes et produire des hybrides à fertilité réduite. A quelle fertilité s’arrêter pour inclure ou exclure d'une espèce?
Cette conception rigide doit évoluer et décrire une espèce comme un lignage dont les produits évoluent avec leurs caractères d'unicité et de variations.
Le concept d'espèce qui émerge aujourd'hui est une conception pratique, de la pratique du scientifique, qui lui permet de caractériser et d'apprendre à tous à caractériser une espèce. Il s'agit de retenir des critères basiques sans entrer dans les détails comme les comportements sociaux ou de reproduction par exemple. Pour les organismes à reproduction sexuée un des critères de base pour déterminer si deux espèces sont distinctes est de déterminer si oui ou non en existent des hybrides naturels. Si oui, sont-ils aussi fertiles que les parents? On sait depuis que les Discus fréquentent nos bacs que les deux espèces produisent des hybrides fertiles!!! Alors je repose la question S.Willischwartzi est-il un hybride naturel?
Si S.Discus X S.Discus ont en moyenne 150 jeunes viables et si S.Aequa X S.Aequa ont eux en moyenne 200 jeunes viables, que peut-on conclure de S.Discus X S.Aequa qui en moyenne en ont 140.? Cette perte de fécondité est-elle significative pour justifier le statu-quo sur la taxonomie du Discus?
Si comme on le dit ces deux espèces sont géographiquement séparées pour quelle raison ne sont elles pas étrangères sur le plan de la reproduction, alors qu'il n'y a aucune probabilité de croisement? Traditionnellement les deux espèces sont décrites géographiquement séparées dans leur distribution, S.Discus a été découvert et décrit dans les affluents duRio Negro, pendant que S.Aequafasciata était trouvé dans la partie ouest du bassin de l'Amazone, mais de récentes collectes mettent cette répartition en doute. Les premières observations de Discus dans leur habitat n'ont pas apporté la preuve qu'il existait plus d'une espèce de Symphysodon. Ces poissons vivent en groupes familiaux et ne semblent pas s'éloigner de leur territoire originel…une courte distance d'eau libre au-delà d'un premier groupe et on trouvera un groupe d'apparence différente….différente au point qu'on les dénommera autrement….on a fait les mêmes observations sur d'autres cichlidés, Mesonauta Festivus et Heros Severus.
Ces différences apparaissent d'autant plus rapidement que les caractères se fixent plus vite dans une petite population de reproducteurs. Ce principe de fusion est connu des biologistes. Ainsi deux groupes pratiquement identiques a l'origine peuvent une fois séparés diverger nettement après quelques générations…Mais que dire des individus intermédiaires, semblant hybrides? Ce n'est pas rare, un peu de temps et d'observation attentive le prouvent, ils sont présents isolés ou au sein de groupes distincts, le contraire de ce que la littérature décrit!!!
Les confusions et sources d'erreurs sont multiples pour les aquariophiles et les chercheurs du fait que les pêcheurs et les exportateurs de Discus les classent et les baptisent à leur guise lorsqu'ils sont collectés ce qui permet avant tout de protéger les lieux de récolte. Nombreux sont les scientifiques et journalistes aquariophiles qui de bonne foi ont été abusés par ces fausses informations de collecte. Par exemple le S Aequafasciata Haraldi sur lequel Schultz base sa description n'est pas typique de la localisation qu'il rapporte. De même pour la variété de Discus dite "Allenquer" réputée récoltée a proximité de la ville d'Allenquer mais que l'on pèche également à une grande distance de là dans le rio Purus… Des Discus Heckel sans la barre médiane ne sont pas difficiles à trouver, pas plus que des "bleus", "rouges", "bruns" avec la barre médiane prononcée qui sont communs dans certaines régions. Les hybrides sont nombreux dans certains affluents, peu abondants dans d'autres. Quand ils sont capturés, ils sont pour certains vendus comme "Heckell", d'autres comme "Bleus", "Royal Bleus" et d'autres comme de "parfaits Bruns": quatre variétés différentes pour un seul bras de rivière!!! Des tentatives ont été faites de classifier les Discus sauvages comme on le fait pour les formes d'élevage, mais quelques jours passés en Amazonie vous montrent que toutes les prétendues variétés géographiques de "Heckell" peuvent être trouvées sous une seule branche!!! Têtes bleues, nageoires jaunes, avec ou sans barre centrale, tous dans le même coup de filet! Il est évident que l'idée de déterminer des sous-espèces sur la base des patrons de coloration relève plus de la fantaisie que de la science. Des variations géographiques doivent exister néanmoins, mais c'est plus facile de le dire que d'en apporter les preuves.
Par l'élevage en captivité on peut améliorer et sélectionner des individus que sans doute les piranhas ou même les parents élimineraient dans la nature. Certains parfois en réchappent et finissent dans nos épuisettes ce qui permet d'observer en captivité des "green discus" et "blue discus".
Alors y a-t-il une ou deux espèces de Discus?
Comment établir que deux de nos Discus sont oui ou non de la même espèce?
Si nos deux poissons sont dans le formol, nous n'utiliserons pas la méthode de la reproduction pour parvenir au résultat!!!
Comment procéder?
Il existe plusieurs techniques en taxonomie moderne. Certaines de ces techniques ont évolué progressivement depuis leur origine, d'autres sont très récentes.
Le premier champ de comparaison est méristique, c'est le comptage de tout ce que l'on peut… compter: nombre de rangs d'écailles, nombre de vertèbres, nombre de pores de la ligne latérale, etc. Les données méristiques, (relatives au corps) ont traditionnellement eu la faveur des taxonomistes des poissons car elles tendent à rester les plus fiables. C'est données se modifient très peu dans le temps. Avec les Discus les comparaisons méristiques ne donnent pas de résultats nettement tranchés. La description originelle de S.Discus par Heckell reposait sur l'examen d'un seul spécimen. Quand Schultz réétudie le Genre en 1960, il n'utilise également qu'un seul individu de S.Discus alors qu'il fera le même travail sur 50 spécimens de S.Aequifasciata. Sur les dix critères méristiques retenus par Schultz un seul fait ressortir une différence: le nombre de rangs d'écailles compté entre l'opercule et la base de la nageoire caudale. Si de nombreux spécimen de S.Discus avaient été utilisés, n'aurait-il pas relevé des variations sur ce nombre de rangs d'écailles et ces variations n'auraient-elle pas recoupé les variations constatées sur S.Aequifasciata? C'est un point fondamental, toutes les espèces présentent des variations. Consultez n'importe quelle description d'espèces vous constaterez que les auteurs, par exemple, mentionnent que le nombre de rayons de la nageoire dorsale est compris entre 9 et 14, exprimant que pour les membres de cette espèce on peut trouver 9 et jusqu'à 14 rayons à la nageoire dorsale. Ce qui atteste que tous les membres de l'espèce ne présentent pas les mêmes données méristiques mais sont inclus dans une fourchette de variation…qui ne peut être établie si l'on n'étudie qu'un seul individu.
La seconde technique taxonomique est la mesure des caractéristiques morphologiques. Ce sont les mesures relevées sur les spécimens, longueur du corps, longueur du museau…Parce que les poissons ont une croissance continue, les grandeurs sont données en pourcentage de valeurs moyennes standard. De nombreuses difficultés sont rencontrées avec cette technique. D'abord dans beaucoup d’espèces la forme, les mensurations du corps (donc le rapport au standard) changent avec l'âge, aussi est-il préférable d'étudier des spécimens de taille comparable. Une autre difficulté est que beaucoup d’espèces sont sexuellement dimorphiques: il y a des différences corporelles qui font que des comparaisons entre individus de sexe différent peuvent être sources d'erreurs. Une troisième difficulté avec les Discus est que les individus issus d'habitats différents, eaux courantes, eaux dormantes, peuvent montrer des formes variables. Hanel en 1981 a étudié avec cette méthode morphométrique les espèces et sous-espèces de Discus. Il a trouvé des identités et des similitudes sur tous les critères morphologiques mesurés. Les photographies publiées des poissons objets de l'étude montrent des individus au front pincé et aux yeux agrandis typiques de poissons faibles et malades. Apparemment les Discus utilisés etaient des sauvages en captivité depuis de longs mois qui avaient probablement perdu leur forme suite à un régime inadapté.
La troisième technique taxonomique est un mélange de données anatomiques, forme, description de la ligne latérale, position et taille des organes internes, caractéristiques sexuelles secondaires comme la sécrétion de mucus nourricier. Ces particularités peuvent caractériser une espèce, mais de nombreuses espèces proches présentent les mêmes particularités. De plus ces données sont délicates à quantifier car on trouve déjà beaucoup de variantes en examinant des individus réputés de même espèce!!
Un autre type de caractéristique parfois utilisé pour distinguer les espèces est le patron de coloration. C'est sans doute la caractéristique la plus variable de toutes pour beaucoup d'espèces. Nous le savons tous, il y a beaucoup de variations colorées chez les Discus sauvages les deux espèces reconnues ont leur propre patron standard. Mais nous possédons des spécimens sauvages de S.Discus qui ont des rayures sur la moitié avant du corps et la moitié arrière sans (au-delà de la 5° barre verticale), ressemblant à un Discus Brun. Comment les classeriez-vous, S.Discus ou S.Aequifasciata? Que signifient ces variations subtiles entre individus? Comme noté plus haut nous avons aussi des S.Aequifasciata sauvages au corps rayé et la 5° barre verticale prononcée comme S.Discus. Comment les classer? Sont-ils des hybrides sauvages des deux espèces ou de nouvelles espèces?
Dans un laboratoire de recherche de l'auteur (A.I.Mazeroll) nous travaillons sur la taxonomie des deux espèces. Nous utilisons deux techniques modernes: étude du karyotype et electrophorèse ). Ces techniques nécessitent des tissus et cellules des deux espèces et un labeur intensif, cela prend du temps. Dans 6 mois à un an nous devrions être en mesure de conclure. Des travaux sur le terrain sont autant nécessaires que des travaux de laboratoire, peut-être aussi des expérimentations de croisements…Egalement il faudra connaître les influences environnementales. Ces études progressent. Nous croyons que la classification communément adoptée pour Symphysodon est erronée. Nous voulons apporter les preuves que nous ne nous trompons pas. Le temps le dira. Nous vous tiendrons informés.
Quel enseignement en conclusion pour les amateurs et éleveurs de Discus? Eh bien le poisson que vous maintenez dans vos bacs est peut-être porteur de gènes capables de produire une infinité de variétés de Discus…Cela prend du temps pour arriver à les faire s'exprimer.
Cet article n'est pas de moi il vien du livre
"The Cichlid Companion Room"
par Marc Weiss et A.I Mazeroll, extrait de "The Cichlid Companion Room",
Dans un article publié en 1991 dans "Tropical Fish Hobbyist", le Dr Warren Burgess posait deux questions sur la taxonomie et la systématique du Discus.
* La collecte de Symphysodon Discus Heckel en dehors du Rio Negro mettait-elle en évidence une répartition historique plus large de cette espèce?
* Symphysodon Discus Willischwartzi pouvait-il n’être qu'un hybride naturel des deux espèces S.Discus et S.Aequafasciata Pellegrin?
Nous possédons des Discus sauvages qui ont le patron de coloration du Discus bleu ou brun (red) S.Aequifasciata mais également la cinquième barre verticale accentuée caractérisant le Discus dit "Heckel". Que dire alors de la taxonomie du Discus? Que ce sont des hybrides naturels des deux espèces ou représentent-ils une nouvelle espèce ou « sous-espèce"?
Dans cet article, nous voulons creuser ces questions et décrire les méthodes à mettre en œuvre pour y répondre.
Quel est l'état actuel de la classification des Discus?
Deux espèces de Symphysodon sont décrites avec une taxonomie presque exclusivement fondée sur le patron de coloration et la répartition géographique!!!
* S.Discus a 9 barres verticales sur le corps avec les 1°,5° et 9° prédominantes, la cinquième étant la plus large. Les autres barres sont atténuées et par moment complètement absentes. Cette espèce est localisée principalement dans le bassin du Rio Negro.
* S.Aequafasciata, lui ,est rencontré principalement dans la partie ouest du bassin de l'Amazone. Les caractéristiques méristiques (nombre d'écailles, nombre de rayons des nageoires, nombre de vertèbres) tendent à se confondre, quelques écarts sont relevés que nous examinerons plus loin.
Avec seulement deux espèces, la taxonomie paraît simple et limpide!!! Hélas rien n'est plus éloigné de la vérité!!! La première raison en est que la répartition complète et exacte ainsi que la description des sous-espèces nous sont inconnues. Dans certains cas les quelques localisations publiées sont erronées…Si vous avez déniché un beau Discus sauvage n'étes vous pas curieux de savoir exactement d'ou il provient? Malheureusement aujourd'hui il est difficile d’être précis à ce sujet. Rien ne ressemble plus à un affluent de l'Amazone …qu'un autre affluent. Pointer exactement sur la carte où se trouve telle ou telle variété relève de l'impossible. C'est une des pièces du puzzle à assembler pour éclairer la taxonomie du Discus, et les informations sont difficiles à collecter, cela prend du temps, beaucoup de temps.
Mais après tout qu'est -ce qu'une espèce?.
C'est une question qui préoccupe les chercheurs depuis Linné. Autant de personnes interrogées …autant de réponses".
La science a envisagé cinq concepts d'espèces…
Le concept typologique d'espèce qui pose comme principe que l'espèce est une entité qui diffère de toutes les autres…et que l'espèce considérée est stable dans le temps. Dès la description d'une espèce la confusion peut s'installer. Que dire de 2 variétés colorées d'une même espèce? Que l'on va nommer différemment ces deux formes de la même espèce?
Peu satisfaisant!!
Le concept d'espèce morphologique affine et quantifie le facteur différence en caractérisant l'espèce par des grandeurs mesurées (nombre d'écailles, nombre de vertèbres…) qui diffèrent nettement des autres …oui, mais de quel facteur affecter les écarts pour décider que deux individus sont d'espèces différentes? Combien de paramètres faire intervenir dans la décision…de manière pragmatique plus l'on constate de différences plus les arguments sont nombreux pour décider de deux espèces distinctes…Que dire de deux paramètres divergents, cas des Discus? Est ce suffisant pour décrire deux espèces distinctes?
Pendant longtemps le concept standard d'espèce fut le concept biologique qui exprime le principe qu'une espèce est un groupe interfécond de populations qui se reproduisent isolément. Cela s'applique correctement aux espèces à reproduction sexuée mais que dire des groupes se multipliant par parthénogenèse? Comment les intégrer dans ce modèle d'espèce…Chaque individu pourrait être considéré comme une espèce!!!
Autre question quel seuil de fertilité retenir entre hybrides?…Des espèces proches peuvent être interfécondes et produire des hybrides à fertilité réduite. A quelle fertilité s’arrêter pour inclure ou exclure d'une espèce?
Cette conception rigide doit évoluer et décrire une espèce comme un lignage dont les produits évoluent avec leurs caractères d'unicité et de variations.
Le concept d'espèce qui émerge aujourd'hui est une conception pratique, de la pratique du scientifique, qui lui permet de caractériser et d'apprendre à tous à caractériser une espèce. Il s'agit de retenir des critères basiques sans entrer dans les détails comme les comportements sociaux ou de reproduction par exemple. Pour les organismes à reproduction sexuée un des critères de base pour déterminer si deux espèces sont distinctes est de déterminer si oui ou non en existent des hybrides naturels. Si oui, sont-ils aussi fertiles que les parents? On sait depuis que les Discus fréquentent nos bacs que les deux espèces produisent des hybrides fertiles!!! Alors je repose la question S.Willischwartzi est-il un hybride naturel?
Si S.Discus X S.Discus ont en moyenne 150 jeunes viables et si S.Aequa X S.Aequa ont eux en moyenne 200 jeunes viables, que peut-on conclure de S.Discus X S.Aequa qui en moyenne en ont 140.? Cette perte de fécondité est-elle significative pour justifier le statu-quo sur la taxonomie du Discus?
Si comme on le dit ces deux espèces sont géographiquement séparées pour quelle raison ne sont elles pas étrangères sur le plan de la reproduction, alors qu'il n'y a aucune probabilité de croisement? Traditionnellement les deux espèces sont décrites géographiquement séparées dans leur distribution, S.Discus a été découvert et décrit dans les affluents duRio Negro, pendant que S.Aequafasciata était trouvé dans la partie ouest du bassin de l'Amazone, mais de récentes collectes mettent cette répartition en doute. Les premières observations de Discus dans leur habitat n'ont pas apporté la preuve qu'il existait plus d'une espèce de Symphysodon. Ces poissons vivent en groupes familiaux et ne semblent pas s'éloigner de leur territoire originel…une courte distance d'eau libre au-delà d'un premier groupe et on trouvera un groupe d'apparence différente….différente au point qu'on les dénommera autrement….on a fait les mêmes observations sur d'autres cichlidés, Mesonauta Festivus et Heros Severus.
Ces différences apparaissent d'autant plus rapidement que les caractères se fixent plus vite dans une petite population de reproducteurs. Ce principe de fusion est connu des biologistes. Ainsi deux groupes pratiquement identiques a l'origine peuvent une fois séparés diverger nettement après quelques générations…Mais que dire des individus intermédiaires, semblant hybrides? Ce n'est pas rare, un peu de temps et d'observation attentive le prouvent, ils sont présents isolés ou au sein de groupes distincts, le contraire de ce que la littérature décrit!!!
Les confusions et sources d'erreurs sont multiples pour les aquariophiles et les chercheurs du fait que les pêcheurs et les exportateurs de Discus les classent et les baptisent à leur guise lorsqu'ils sont collectés ce qui permet avant tout de protéger les lieux de récolte. Nombreux sont les scientifiques et journalistes aquariophiles qui de bonne foi ont été abusés par ces fausses informations de collecte. Par exemple le S Aequafasciata Haraldi sur lequel Schultz base sa description n'est pas typique de la localisation qu'il rapporte. De même pour la variété de Discus dite "Allenquer" réputée récoltée a proximité de la ville d'Allenquer mais que l'on pèche également à une grande distance de là dans le rio Purus… Des Discus Heckel sans la barre médiane ne sont pas difficiles à trouver, pas plus que des "bleus", "rouges", "bruns" avec la barre médiane prononcée qui sont communs dans certaines régions. Les hybrides sont nombreux dans certains affluents, peu abondants dans d'autres. Quand ils sont capturés, ils sont pour certains vendus comme "Heckell", d'autres comme "Bleus", "Royal Bleus" et d'autres comme de "parfaits Bruns": quatre variétés différentes pour un seul bras de rivière!!! Des tentatives ont été faites de classifier les Discus sauvages comme on le fait pour les formes d'élevage, mais quelques jours passés en Amazonie vous montrent que toutes les prétendues variétés géographiques de "Heckell" peuvent être trouvées sous une seule branche!!! Têtes bleues, nageoires jaunes, avec ou sans barre centrale, tous dans le même coup de filet! Il est évident que l'idée de déterminer des sous-espèces sur la base des patrons de coloration relève plus de la fantaisie que de la science. Des variations géographiques doivent exister néanmoins, mais c'est plus facile de le dire que d'en apporter les preuves.
Par l'élevage en captivité on peut améliorer et sélectionner des individus que sans doute les piranhas ou même les parents élimineraient dans la nature. Certains parfois en réchappent et finissent dans nos épuisettes ce qui permet d'observer en captivité des "green discus" et "blue discus".
Alors y a-t-il une ou deux espèces de Discus?
Comment établir que deux de nos Discus sont oui ou non de la même espèce?
Si nos deux poissons sont dans le formol, nous n'utiliserons pas la méthode de la reproduction pour parvenir au résultat!!!
Comment procéder?
Il existe plusieurs techniques en taxonomie moderne. Certaines de ces techniques ont évolué progressivement depuis leur origine, d'autres sont très récentes.
Le premier champ de comparaison est méristique, c'est le comptage de tout ce que l'on peut… compter: nombre de rangs d'écailles, nombre de vertèbres, nombre de pores de la ligne latérale, etc. Les données méristiques, (relatives au corps) ont traditionnellement eu la faveur des taxonomistes des poissons car elles tendent à rester les plus fiables. C'est données se modifient très peu dans le temps. Avec les Discus les comparaisons méristiques ne donnent pas de résultats nettement tranchés. La description originelle de S.Discus par Heckell reposait sur l'examen d'un seul spécimen. Quand Schultz réétudie le Genre en 1960, il n'utilise également qu'un seul individu de S.Discus alors qu'il fera le même travail sur 50 spécimens de S.Aequifasciata. Sur les dix critères méristiques retenus par Schultz un seul fait ressortir une différence: le nombre de rangs d'écailles compté entre l'opercule et la base de la nageoire caudale. Si de nombreux spécimen de S.Discus avaient été utilisés, n'aurait-il pas relevé des variations sur ce nombre de rangs d'écailles et ces variations n'auraient-elle pas recoupé les variations constatées sur S.Aequifasciata? C'est un point fondamental, toutes les espèces présentent des variations. Consultez n'importe quelle description d'espèces vous constaterez que les auteurs, par exemple, mentionnent que le nombre de rayons de la nageoire dorsale est compris entre 9 et 14, exprimant que pour les membres de cette espèce on peut trouver 9 et jusqu'à 14 rayons à la nageoire dorsale. Ce qui atteste que tous les membres de l'espèce ne présentent pas les mêmes données méristiques mais sont inclus dans une fourchette de variation…qui ne peut être établie si l'on n'étudie qu'un seul individu.
La seconde technique taxonomique est la mesure des caractéristiques morphologiques. Ce sont les mesures relevées sur les spécimens, longueur du corps, longueur du museau…Parce que les poissons ont une croissance continue, les grandeurs sont données en pourcentage de valeurs moyennes standard. De nombreuses difficultés sont rencontrées avec cette technique. D'abord dans beaucoup d’espèces la forme, les mensurations du corps (donc le rapport au standard) changent avec l'âge, aussi est-il préférable d'étudier des spécimens de taille comparable. Une autre difficulté est que beaucoup d’espèces sont sexuellement dimorphiques: il y a des différences corporelles qui font que des comparaisons entre individus de sexe différent peuvent être sources d'erreurs. Une troisième difficulté avec les Discus est que les individus issus d'habitats différents, eaux courantes, eaux dormantes, peuvent montrer des formes variables. Hanel en 1981 a étudié avec cette méthode morphométrique les espèces et sous-espèces de Discus. Il a trouvé des identités et des similitudes sur tous les critères morphologiques mesurés. Les photographies publiées des poissons objets de l'étude montrent des individus au front pincé et aux yeux agrandis typiques de poissons faibles et malades. Apparemment les Discus utilisés etaient des sauvages en captivité depuis de longs mois qui avaient probablement perdu leur forme suite à un régime inadapté.
La troisième technique taxonomique est un mélange de données anatomiques, forme, description de la ligne latérale, position et taille des organes internes, caractéristiques sexuelles secondaires comme la sécrétion de mucus nourricier. Ces particularités peuvent caractériser une espèce, mais de nombreuses espèces proches présentent les mêmes particularités. De plus ces données sont délicates à quantifier car on trouve déjà beaucoup de variantes en examinant des individus réputés de même espèce!!
Un autre type de caractéristique parfois utilisé pour distinguer les espèces est le patron de coloration. C'est sans doute la caractéristique la plus variable de toutes pour beaucoup d'espèces. Nous le savons tous, il y a beaucoup de variations colorées chez les Discus sauvages les deux espèces reconnues ont leur propre patron standard. Mais nous possédons des spécimens sauvages de S.Discus qui ont des rayures sur la moitié avant du corps et la moitié arrière sans (au-delà de la 5° barre verticale), ressemblant à un Discus Brun. Comment les classeriez-vous, S.Discus ou S.Aequifasciata? Que signifient ces variations subtiles entre individus? Comme noté plus haut nous avons aussi des S.Aequifasciata sauvages au corps rayé et la 5° barre verticale prononcée comme S.Discus. Comment les classer? Sont-ils des hybrides sauvages des deux espèces ou de nouvelles espèces?
Dans un laboratoire de recherche de l'auteur (A.I.Mazeroll) nous travaillons sur la taxonomie des deux espèces. Nous utilisons deux techniques modernes: étude du karyotype et electrophorèse ). Ces techniques nécessitent des tissus et cellules des deux espèces et un labeur intensif, cela prend du temps. Dans 6 mois à un an nous devrions être en mesure de conclure. Des travaux sur le terrain sont autant nécessaires que des travaux de laboratoire, peut-être aussi des expérimentations de croisements…Egalement il faudra connaître les influences environnementales. Ces études progressent. Nous croyons que la classification communément adoptée pour Symphysodon est erronée. Nous voulons apporter les preuves que nous ne nous trompons pas. Le temps le dira. Nous vous tiendrons informés.
Quel enseignement en conclusion pour les amateurs et éleveurs de Discus? Eh bien le poisson que vous maintenez dans vos bacs est peut-être porteur de gènes capables de produire une infinité de variétés de Discus…Cela prend du temps pour arriver à les faire s'exprimer.
Cet article n'est pas de moi il vien du livre
"The Cichlid Companion Room"